#Ressources Humaines - 03-01-2022
Le parcours de recrutement des candidats du digital et de la tech est en passe de devenir une réelle préoccupation pour les entreprises en quête de talents. Jusqu'où s'inspirer des travaux d'amélioration de l'expérience client pour un parcours candidat facilité ?
Il n'est pas rare aujourd'hui qu'une entreprise cliente demande à contacter des candidats auparavant placés par le cabinet de recrutement ou le chasseur de talents qu'elle a choisi afin de savoir quelle a été leur expérience (ce qu'ils ont apprécié, ce qui leur a manqué, etc.). En cause : une attention grandissante au parcours et au ressenti des talents très demandés et/ou difficiles à recruter ainsi qu'un changement notable dans leurs attentes - certains comportements n'étant plus supportables, notamment aux millenials.
Les candidats du digital ne sont plus aujourd'hui en mesure de comprendre ou d'accepter qu'une entreprise puisse d'un côté, déployer des efforts considérables auprès de ses clients pour leur assurer une expérience omnicanale fluide et positive et de l'autre, faire peu de cas de qui répond à leurs offres d'emploi. Parmi les retours dépités faits aux professionnels : la multiplication des canaux de sollicitation, la fréquence des requêtes, des procédures redondantes, une absence de retour suite aux entretiens, un manque de transparence et d'informations, des processus extrêmement longs, etc. À cela s'ajoute, par exemple, l'expérience de candidats « vus » à distance par un manager dont la caméra reste éteinte, la démultiplication des entretiens et des interlocuteurs (facilitée par le tout visio) mais aussi le ghosting subi de part et d'autre. Pourtant, attirer, développer et fidéliser les talents est indispensable aux entreprises, au point que certains estiment que le frein au développement est généré par la difficulté à recruter.
Les moyens de contact entre l'entreprise et les candidats se sont pourtant multipliés ces vingt dernières années : sites spécialisés, espaces de recrutement corporate, réseaux sociaux dont les outils permettent de solliciter massivement sans être introduit, etc. Les organisations ont cherché à multiplier ces moyens dans une logique quantitative, pensant qu'en « bombardant » largement leurs offres, les chances de trouver la perle rare seraient statistiquement meilleures. Or, de l'avis des candidats, cela génère le plus souvent une expérience incohérente, voire dissuasive. On commence ainsi à mieux percevoir la contradiction existant entre les besoins actuels (attirer les talents) et la réalité de l'expérience de recrutement telle que vécue. De fait, l'expérience candidat que propose aujourd'hui l'entreprise a été conçue en s'inspirant des travaux d'amélioration de l'expérience client en ligne : simplification des annonces et fiches de postes faites sur le site corporate ; contenus sponsorisés sur les médias-sociaux ; réponses automatiques, relances, chatbots, etc.. À ceci près que les éléments de « frottement » du parcours, ceux qui font « lâcher l'affaire » aux candidat.e.s, sont encore peu pris en compte et relèvent largement des prises de contact avec le management lors des entretiens.
L'optimisation du parcours client vise à maximiser le nombre de clients via l’amélioration du taux de conversion (soit le pourcentage de prospects qui répondent positivement en finalisant leur parcours d'achat). Il en va tout autrement du recrutement : le nombre de candidats potentiels n'est pas illimité, de même que le nombre de postes à pourvoir ! Plus encore, l'expérience peut être déceptive pour les talents non retenus. Elle crée forcément plus de mécontents que de satisfaits. Actuellement, trop de candidats abandonnent en cours de process, qu'ils refusent un énième entretien ou tout simplement disparaissent ; d'autres rejettent simplement l'offre qui leur est faite en fin de sélection. Ce qui est en cause est souvent une expérience malheureuse auprès d'un manager et/ou un ressenti général négatif : un accueil manquant de chaleur, un retard trop important, une méconnaissance de leur parcours, etc.. Il est possible que les managers tardent encore à prendre conscience qu'aujourd'hui, dans l'expérience candidat, tout est signifiant, et pas seulement l'offre de poste.
En effet, les candidat.e.s ne dissocient plus l'expérience de leur recrutement du poste qui leur est proposé. Le parcours candidat tel qu'il existe aujourd'hui a donc besoin d'être envisagé et formalisé en ce sens, comme une relation bilatérale entre une organisation et un collaborateur et/ou ambassadeur potentiel - une relation dont toutes les étapes comptent et où les affects sont devenus plus déterminants qu'ils ne l'étaient hier. S'inspirer de la conception du parcours-client est certes positif, mais il faut sans doute aller plus loin en ce sens, c'est-à-dire optimiser le parcours candidat en tenant compte d’une de ses spécificités : la dimension subjective. On parle bien ici d'expérience, de vécu et de ressenti. Rappelons enfin que ce recrutement ne s'arrête pas une fois le contrat signé ; la préparation en amont de l'arrivée des nouvelles recrues ainsi que la qualité de l'intégration qui leur sera proposée sont de nature, elles aussi, à affecter leur expérience. En conclusion : ce qui est vécu par les candidat.e.s lors du processus de sélection, et de conviction mutuelle, est désormais considéré comme un avant-goût de ce qui sera vécu ensemble, dans l'entreprise, en cas de recrutement effectif.
Emmanuel Stanislas – fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement du digital et de l'IT
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