#Ressources Humaines - 23-02-2022
Depuis plusieurs années déjà, la « guerre des talents » est le marronnier des publications RH. Drôle de guerre que celle-ci, sans cesse annoncée, jamais déclarée. Il ne lui manquait, au fond, qu’un élément déclencheur, une crise sanitaire d’une ampleur inédite.
Oui, la pénurie des talents est bien là : Quand on embauche des juniors à des salaires de cadres, c’est qu’on manque de choix. Les entreprises doivent donc faire la différence, en misant sur des valeurs plus pérennes que le seul attrait financier. Tour de table des enjeux et des défis qui attendent les recruteurs en 2022.
Pour certains métiers qualifiés, on sait que le vivier de main-d’œuvre est réduit. Ce n’est pas nouveau. Ce qui a changé, c’est la perception que les talents ont de leur propre valeur sur le marché de l’emploi et la nécessité pour beaucoup de trouver du sens à ce qu’ils font auprès d’un employeur inspirant, qui a une vision et une éthique, appliquée au quotidien, et non pas seulement affichée fièrement sur un site carrière. La vitrine ne suffit plus à séduire et à retenir. Des sites comme Glassdoor ont fait tomber les masques : la transparence est de mise et les promesses doivent être tenues. Du côté des métiers nécessitant moins de qualifications, le problème de l’attractivité reste entier, qui ne sera pas réglé sans une nette amélioration des conditions de travail et d’emploi. Du reste, quel que soit le métier, c’est le même écueil : si l’on veut attirer les meilleurs talents, il faut savoir ce qu’ils veulent.
Est-ce si difficile ? Leurs aspirations sont-elles si différentes des nôtres ? Sans doute non. Avant toute chose, il faut accepter que les attentes des candidats ne soient plus des desiderata, mais des conditions. Des conditions qu’ils sont peu enclins à négocier, parce qu’ils sont en position de force et que la crise a amené chacun et chacune à revoir ses priorités. Priorité donc à la transparence et à la quête de sens. Mais concrètement, comment y répondre ?
Pour le citoyen lambda recruter ne semble pas très compliqué. Vous recevez des CV, vous vous mettez d’accord avec le manager sur les personnes à voir en entretien, les questions à poser, et le tour est joué. Si seulement ! Ce type de processus fantasmé ne saurait convenir aux exigences nouvelles de l’exercice : plus de place pour l’à peu près ou l’improvisation. Car ce ne sont plus les candidats qui passent l’entretien : c’est l’employeur. Et si l’employeur veut convaincre, il doit répondre à un certain nombre de critères, notamment en matière de diversité et d’inclusion. Hier, les bonnes intentions pouvaient encore suffire. Aujourd’hui, il faut des preuves, des chiffres, des équipes qui soient le reflet de la politique d’inclusion, et ce jusqu’au top management. La marque employeur ne peut pas faire l’économie de ces sujets.
Lutter contre les biais, favoriser un recrutement équitable, demande de revoir ses processus et d’en questionner toutes les étapes. La rédaction de l’offre, en particulier, est un sujet sensible : car selon les mots utilisés, la tournure choisie, on influence déjà le type de candidats que l’on va recevoir. Selon une étude réalisée par Textio, une annonce de “Développeur Ninja” ou de “Web Rocktar” recevra 99 % de candidatures masculines. Autre exemple, on peut discriminer les femmes si la liste des critères est trop longue, puisque l’on sait que celles-ci ont besoin de correspondre à un maximum de critères pour s’autoriser à postuler.
Pour recevoir en entretien des profils plus divers, il faut challenger ses propres attentes, ses habitudes, se méfier du feeling aussi. Le nom et le prénom, le sexe, l’âge, l’origine géographique, tous ces éléments nous influencent, qu’on le veuille ou non. Si l’on peut les gommer du processus, ce que permet la technologie aujourd’hui, cela peut être une méthode pour améliorer l’équité et la diversité de façon tangible. Dans un processus de recrutement, seules comptent les compétences en jeu pour le poste. Une évidence ? Oui, mais encore faut-il avoir mis en place les moyens de s’en assurer.
Dans le même ordre d’idée, diversifier ses viviers de candidats peut permettre d’échapper à la pénurie sur certains profils. À commencer par ses propres collaborateurs, qui parfois n’attendent que ça : la perspective d’une mobilité interne que certains finissent par assimiler à l’arlésienne. Elle a pourtant mille vertus, ne serait-ce que parce qu’elle favorise l’engagement et la rétention, donnant la possibilité aux talents de se révéler ailleurs que dans leur poste actuel, de développer leurs compétences, d’imaginer des perspectives plus larges dans leur entreprise. Sur cet aspect encore, pas d’autre choix que la mise en place des bons processus et des bons outils afin de promouvoir des talents déjà présents dans l’entreprise qui, risquent désormais de songer sérieusement à aller voir ailleurs si aucune perspective de changement ne leur ait apportée.
Si les candidats sont de plus en plus volages, selon l’expression consacrée, ce n’est sans doute pas par goût du risque ou par plaisir, mais bien plutôt parce qu’ils ne sont plus prêts à faire des concessions sur leur vie en dehors du travail. L’équilibre vie pro/ vie privée est peut-être le point que la crise sanitaire, avec ses confinements successifs et l’explosion du télétravail, a le plus ébranlé dans l’esprit des individus. Beaucoup ont été amenés à s’interroger sur l’utilité de leur métier, et donc sur l’intérêt d’y consacrer autant de temps aux dépens de tout le reste. C’est pourquoi la flexibilité est en passe de devenir l’argument numéro 1 pour attirer et retenir les talents. Partout à travers le monde les environnements de travail hybrides et flexibles sont la nouvelle norme. C’est pourquoi, les RH doivent attirer et engager les talents autrement que comme ils l’ont toujours fait pour rester compétitifs. Les stratégies de rétention des talents doivent tenir compte des attentes et des motivations individuelles, pas seulement reposer sur des actions globales. Les gens recherchent des expériences personnalisées et veulent travailler pour une entreprise où ils peuvent se développer, en toute confiance. Alors demain, tous intrapreneurs ? et pourquoi pas ?
Amandine Reitz, HR Manager EMEA chez iCIMS
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